Interview
« Les personnes engagées doivent devenir des pionniers du numérique. »

17.12.2020

Voilà l’un des objectifs que s’est fixés la nouvelle Fondation allemande de l’engagement et du bénévolat qui concentre son travail plus particulièrement sur des zones rurales et dotées de peu d’infrastructures. Katarina Peranić et et Jan Holze, directeurs, à propos de leurs approches, des premiers succès et de leurs projets pour 2021.

 

1 - La Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (Deutsche Stiftung für Engagement und Ehrenamt (DSEE)) a été fondée en juillet dans le but de promouvoir le bénévolat et l’engagement. Pourriez-vous nous donner des exemples de soutien concret et nous dire comment la Fondation a fait face à la crise sanitaire ?

Katarina Peranić :­ La Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (DSEE) a pour mission de renforcer et de promouvoir l’engagement citoyen et le bénévolat, en particulier dans les zones rurales et dotées de structures faibles. Avec sa création, le Bundestag et le gouvernement fédéral envoient un signe visible et clair de reconnaissance et de soutien aux 30 millions de nos concitoyens qui ont choisi de s’engager.

Pour la première fois, la promotion du bénévolat bénéficie d’un service national grâce à la Fondation.

Nous avons entrepris nos projets aussitôt la Fondation instituée. En septembre, nous avons lancé le premier programme de financement de la Fondation, « Ensemble, faire face à la COVID-19 ». Et la mobilisation montre que nous avons fait mouche : nous avons reçu plus de 12 500 demandes de subvention en sept semaines.

Le montant du financement sollicité représente près de dix fois le budget qui nous a été alloué.

Ces dernières semaines, nous avons pu verser plus de 20 millions d’euros à quelque 1 800 associations et organisations dans toute l’Allemagne, soulageant ainsi bon nombre de personnes en cette conjoncture éprouvante. Nous nous réjouissons tout particulièrement d’avoir pu aider directement grâce à notre programme de nombreuses associations et organisations de taille modeste.

Il est impressionnant de voir ce que les personnes engagées de notre pays parviennent à accomplir avec un soutien financier.

Outre le programme de financement, nous avons également développé nos premières offres propres. Avec la Maison de la philanthropie (Haus des Stiftens), par exemple, nous avons réuni plus de 11 500 participants lors du Campus numérique 2020 (Digital Camp 2020), une série de séminaires en ligne permettant aux bénévoles de se former au numérique.

L’année prochaine, nous entendons mettre en place un centre de services et un centre de compétences pour les bénévoles, et continuer à investir dans les structures du bénévolat.

 

2 - Jan Holze, vous êtes un fin connaisseur de la coopération franco-allemande, vous avez poursuivi des études à Nantes et avez été vice-président du Conseil d’orientation de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse : quelle place occupe actuellement, selon vous, l’engagement transfrontalier dans la société civile allemande ? Et comment y gagner encore davantage de personnes ?

Jan Holze : L’année 2020 nous a rappelé combien nous sommes, à bien des égards, à la fois étroitement liés et vulnérables.

Nous constatons l’importance des contacts et des échanges avec les autres, y compris par-delà les frontières.

Nombre de personnes engagées ont subi de plein fouet, outre les restrictions qui sont notre lot à tous, les effets concrets des règles limitant les déplacements et les échanges. Je pense par exemple aux nombreuses personnes impliquées dans des jumelages et qui ont dû cette année annuler leur rencontre avec la ville partenaire. Ou à celles et ceux qui auraient voulu profiter des possibilités de financement offertes par le Fonds citoyen pour initier des projets franco-allemands au sein de leur association culturelle ou sportive et qui ont dû en reporter la réalisation. Je sais, pour l’avoir vécu, à quel point ces rencontres et ces expériences sont formatrices. À bien des égards, elles sont susceptibles de façonner les gens et de les faire grandir ; personnellement, j’en suis redevable.

Nous devons donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces offres et réseaux précieux, dont beaucoup sont soutenus par des bénévoles, ne subissent pas de discontinuités et bénéficient d’un accompagnement ou d’une aide renouvelée.

Toute ma reconnaissance va donc au Fonds citoyen ainsi qu’à l’OFAJ et je me réjouis que tous les moyens concrets soient mis en œuvre afin que les amitiés internationales ne soient pas compromises et que les rencontres puissent reprendre dès que possible. Je constate par ailleurs la multiplication, ces derniers mois, de supports et de formats numériques innovants, qui ont contribué à faciliter les échanges et les rencontres par-delà les frontières. Dans ce domaine aussi, il est important de rester à la page.

 

3 - La Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (DSEE) s’est donné deux priorités pour sa première année. D’une part, accorder aux zones rurales une attention particulière dans ses activités de soutien, de motivation et de mise en réseau des personnes. Et d’autre part, promouvoir les processus et les projets numériques des associations. Pourquoi ces deux objectifs sont-ils essentiels et quelles mesures concrètes comptez-vous adopter pour les atteindre ?

Katarina Peranić : En fait, ces deux objectifs n’en font qu’un. Nous entendons aider les gens à s’engager dans le bénévolat quels que soient leur lieu de résidence et l’endroit où ils souhaitent s’engager. Or nous constatons que dans les zones rurales et dotées de peu d’infrastructures, les défis sont bien plus importants que dans les grandes villes ou les agglomérations. Du fait du manque d’infrastructures et de réseaux, les membres d’associations et les bénévoles résidant dans des zones rurales se heurtent à des obstacles bien plus ardus pour offrir des services de manière pérenne. Ces difficultés vont de la recherche d’opportunités aux problématiques de mobilité et de possibilités de contact, en passant par l’exclusion de facto de nombreuses régions de l’accès à Internet à haut débit.

Par conséquent, si nous entendons renforcer l’engagement et le bénévolat dans les zones rurales et dotées de peu d’infrastructures, il nous faut soutenir les associations et les organisations dans leur passage au numérique.

Notre objectif consiste à éviter que celles et ceux qui œuvrent quotidiennement au service de la société ne soient laissés pour compte sur le plan numérique.

Au contraire, ces personnes doivent devenir des pionniers du numérique – en particulier dans les zones rurales et dotées de peu d’infrastructures. Et le nombre de demandes de subvention qui nous sont parvenues témoigne de l’incroyable richesse d’idées créatives et innovantes, qui n’ont pas attendu la crise sanitaire pour éclore. Il s’agit là d’un potentiel que nous nous devons de mobiliser, au sens le plus fort du terme, pour la société dans son ensemble.

 

4 - Élaborer des lignes directrices pour une fondation chargée d’octroyer des financements constitue un véritable défi. La Fondation a déjà vu affluer 12 500 demandes de subvention, en pleine pandémie de la COVID-19. Un tel succès témoigne d’un véritable besoin au sein de la société civile. Quelles sont les règles de financement qui se sont montrées particulièrement efficaces dans la mise en œuvre des objectifs de la Fondation et dans le soutien au bénévolat et à l’engagement ?

Jan Holze : Chaque demande de subvention illustre les besoins criants de la société civile. Notre programme de financement répond précisément aux besoins actuels des personnes engagées et des bénévoles. Notre approche, qui s’est révélée judicieuse, a consisté à nous entretenir au préalable avec un grand nombre de bénévoles et d’organisations afin de calibrer le programme de financement en fonction de leurs besoins. Il était également essentiel de veiller à établir un processus aussi simple que possible, réduisant au minimum les formalités administratives – tout en veillant à respecter les règles qui s’appliquent à une fondation fédérale car en définitive, les fonds étant issus des deniers publics, leur affectation répond bien entendu aux normes et règlements en vigueur.

Lorsque nous avons examiné les demandes de subvention qui nous ont été adressées, nous avons remarqué que de nombreux demandeurs, en particulier parmi les associations et organisations de taille modeste, manquaient encore d’expérience en matière de demandes de financement. Il nous faut donc apporter soutien, orientation et accompagnement dans le cadre des programmes de financement destinés aux personnes qui s’engagent, quelle que soit la provenance des fonds qu’elles sollicitent. Actuellement, nous proposons une série de séminaires en ligne aux bénéficiaires de subventions afin de les aider autant que possible dans la mise en œuvre et la comptabilité de leurs projets. Et là encore, l’attrait de cette offre montre qu’elle répond à un besoin considérable. À l’avenir, nous nous attacherons encore davantage à optimiser et, bien entendu, à numériser les processus au sein de la Fondation, au bénéfice des personnes impliquées dans les projets.

En parallèle, nous développons des propositions concrètes de soutien et de formation, non seulement pour la procédure de candidature, mais aussi, plus généralement, pour renforcer et promouvoir l’engagement et le bénévolat en Allemagne et, bien entendu, par-delà nos frontières. Nous nous félicitons également de la perspective d’un échange approfondi et nourri avec le Fonds citoyen franco-allemand.


Katarina Peranić a été nommée, en juillet 2020, Directrice de la Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (DSEE). Titulaire d’une certification de gestion de fondation, elle a étudié les sciences politiques à Marburg et à Berlin. Elle accompagne depuis plus de dix ans, de leur conception à leur mise en œuvre, des projets ayant trait à la société civile et à la politique. Elle a notamment présidé, pendant huit ans, la Fondation Bürgermut, où elle a mis en œuvre divers programmes à l’interface entre le numérique et le social. Le développement et l’animation de communautés de partage des connaissances en ligne et en présentiel, et le développement de stratégies de communication appropriées, ont toujours joué un rôle central dans son approche. Soutenir les citoyens qui s’engagent dans leur mise en réseau, le transfert de leurs connaissances et leur passage au numérique constituent des axes de travail fondamentaux pour Katarina Peranić.

Jan Holze a été nommé, en juillet 2020, Directeur de la Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat. Auparavant, cet avocat a passé cinq ans aux rênes de la Ehrenamtsstiftung Mecklenburg-Vorpommern (Fondation pour le bénévolat et l’engagement citoyen dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale), une fondation créée par le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale pour accompagner les personnes qui s’engagent en leur apportant des conseils, une formation continue, une reconnaissance et un soutien financier. Jan Holze est diplômé en administration des affaires et en droit au terme d’études dans les universités de Rostock, Moscou, Nantes, Francfort-sur-le-Main et Münster en Westphalie. Impliqué par ailleurs dans le bénévolat, notamment dans le sport auprès des enfants et des jeunes, Jan Holze a une grande expérience des clubs, associations et fondations, du niveau local au niveau national.

La Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (Deutsche Stiftung für Engagement und Ehrenamt (DSEE)), instituée par une loi fédérale du 25 mars 2020, est une fondation de droit public fédéral dont le siège se trouve à Neustrelitz (en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale). Elle bénéficie notamment du soutien de trois ministères fédéraux, le Ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse, le Ministère fédéral de l’Intérieur et le Ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture. Aux termes de ses statuts, la Fondation a pour objet « de renforcer et de promouvoir l’engagement citoyen et le bénévolat, en particulier dans les zones rurales et dotées de structures faibles, dans le cadre des prérogatives fédérales ». Le Ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse en est l’autorité de tutelle. Le Conseil d’administration de la Fondation, composé de 19 membres dont trois ministres fédéraux, a été constitué le 11 novembre 2020. L’équipe de la Fondation allemande pour l’engagement et le bénévolat (DSEE) est actuellement composée de 17 collaborateurs, mais devrait à terme en compter 75.