Interview
Projet phare de près : dialogue interreligieux

10.12.2021

Quelle contribution les religions peuvent-elles apporter pour une société pacifique, juste et diverse ? Cette question est au centre des échanges des représentantes françaises et allemandes de l'église protestante et catholique, du judaïsme et de l'islam qui mènent ce projet. La rencontre sera racontée ensuite dans un film documentaire.

 

Vue d'ensemble :


Coordonnées du projet

build Structure organisatrice : Deutscher Koordinierungsrat
group Structure partenaire : Musée Jeanne d'Albret
event Période : 1er octobre - 31 décembre 2021
pin_drop Lieu : Orion (Nouvelle-Aquitaine)
euro Somme de subvention : 63 000 €

 

 

N° 1 : Interview « Les dessous du projet »

1 - Avec votre projet, vous souhaitez apporter une contribution à la coexistence sociale pacifiste. Qu’est-ce qui, selon vous, menace la paix dans nos sociétés ?

Nous traversons actuellement une période de crises à différents niveaux de la société. L'ignorance et l'incertitude conduisent parfois à la propagation de théories du complot et à une perte de repères. Un populisme aveugle et une vision manichéenne irréfléchie en sont les résultats. Le flot d'informations, notamment en provenance des réseaux sociaux, alimente les préjugés, la haine et la violence. D'un côté, nous voyons des émeutes de masse, de l'autre l'isolement.

Au lieu d'un discours critique et démocratique mené de manière raisonnable et responsable, nous voyons une société divisée qui se blâme mutuellement.

 

2 - Quelle contribution les religions peuvent-elles ou doivent-elles apporter ici ?

Les communautés religieuses étant souvent elles-mêmes une partie du problème, elles doivent davantage agir ensemble et montrer plus de signes apparents de solidarité par des échanges « vivants ».

Elles doivent être des modèles pour une société démocratique qui n'exclut pas celles et ceux qui pensent et croient différemment, mais qui les traite avec respect.

D'une part, il est de leur devoir d'informer et d'éclairer, et un langage clair contre tout extrémisme externe et interne en est une condition. D'autre part, les paroles doivent être suivies d'actes. Les représentantes de la foi qui se rencontrent dans le cadre de notre projet se distinguent déjà par leur fonction de modèle – en paroles et en actes.

 

3 - Votre projet a également comme objectif de renforcer les forces féminines réformatrices dans les religions. Quel est le statut de l'égalité des droits dans les grandes religions monothéistes ?

Les femmes ont une position différente dans les différentes religions monothéistes. Dans les églises réformées, par exemple, les femmes ont des droits égaux mais sont sous-représentées ; dans la communauté catholique romaine, les femmes sont exclues de toutes les fonctions religieuses.

Le besoin de réforme est partout.

Dans notre projet se rencontrent les forces libérales féminines des communautés religieuses qui initient avec courage et constance un changement au sein de leurs religions. Elles rejettent toutes le monopole de l'interprétation par les hommes dans leurs religions et interprètent elles-mêmes leurs sources religieuses. Elles considèrent que les principes d’égalité et d’équité sont des outils importants pour la coexistence pacifique.

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N° 2 : Interview « État des lieux »

1 - Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

L’accent est actuellement mis sur la planification détaillée du programme que nous avons repensée plusieurs fois ces dernières semaines. Notre objectif est de rendre les moments ensemble les plus efficaces possibles tout en instaurant en même temps une atmosphère de confiance mutuelle et d’ouverture. La structure de la rencontre nécessite une communication continue avec toutes les personnes impliquées, y compris des briefings pour la préparation des participantes. Par exemple, chaque participante reçoit en amont une compilation des réflexions intellectuelles les plus importantes des autres participantes. Outre le contenu, nous travaillons également sur la logistique générale de l'événement, qui va de la préparation du voyage à la planification des salles, en passant par les repas en commun, que nous souhaitons bien sûr utiliser comme moyen d’échange entre le groupe.

 

2 - Comment organisez-vous la coopération avec l’organisation partenaire de l’autre pays ?

Nous avons la chance d'être déjà sur place en tant qu'organisateur, il est donc très facile de travailler avec le partenaire français. Outre le fait que la moitié des participantes viennent de France, nous travaillons également étroitement avec des tiers à proximité du site de l’évènement, notamment un musée, un lieu de mémoire et diverses associations. Ici, il s'agit presque davantage – dans le sens d'un programme compact et efficace – de ne pas surcharger l'événement mais de garder l'accent sur les échanges franco-allemands et de poursuivre nos objectifs en termes de contenu.

 

3 - Comment faites-vous connaître votre projet ?

Malheureusement, il n'est pas possible, pour des raisons de sécurité, de faire connaître le projet à l'avance et d'attirer l'attention du public sur nous dès le début de l'événement.

Plusieurs de nos participantes sont attaquées et même menacées en raison de leur position sur les questions religieuses et de leurs déclarations publiques.

Il est donc d'autant plus important de conserver une trace du déroulement et des résultats de la réunion. L'événement lui-même sera accompagné par un réalisateur de documentaires de renom. Nous allons probablement organiser deux premières du film dès le mois de décembre – une en Allemagne et une en France. Cette démarche s'accompagnera de la publication d'un manifeste commun que nous diffuserons également via nos propres canaux et réseaux sociaux. Bien entendu, les participantes et nos organisations partenaires utiliseront également leurs canaux de communication pour diffuser les résultats de l'événement.

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N° 3 : Les têtes derrière le projet

Lea Speith

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  • Âge : 19
     
  • Profession : Ėtudiante
     
  • Son rôle dans le projet : Organisation & documentation photographique
     
  • Pourquoi elle participe au projet : « J’ai entendu parler de l’idée pour la première fois en mai 2020, lors d’une conférence en ligne, et je m’y suis tout de suite intéressée. Elke, qui joue un rôle moteur dans ce projet, m’a invitée à participer et j’ai évidemment accepté. »
     
  • Son lien avec l’Allemagne/la France : « La crise sanitaire nous a montré que notre système mondialisé ne peut fonctionner que si les pays se montrent solidaires les uns envers les autres – malgré des crises. L’amitié franco-allemande peut servir de modèle, qu’il est important de soutenir. »

 

Babette Schily

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  • Âge : 61
     
  • Profession : Coach de business et de vie
     
  • Son rôle dans le projet : Équipe d‘animation
     
  • Pourquoi elle participe au projet : « La coexistence paisible est un sujet pour lequel je m’engage volontiers et que je souhaite soutenir. C’est pour cela que l’œuvre du Château d’Orion au service de l’amitié franco-allemande me touche profondément. »
     
  • Son lien avec l’Allemagne/la France : « Bien que ça fasse 40 ans que j’habite en France et que je me sente de plus en plus européenne, mes origines allemandes restent importantes pour moi. Ainsi, je me passionne pour les relations interculturelles entre la France et l’Allemagne. »

 

Elke Jeanrond-Premauer

elke jeanrond-premauer
  • Âge : 68
     
  • Profession : Journaliste & directrice du Château d‘Orion
     
  • Son rôle dans le projet : Initiatrice
     
  • Pourquoi elle participe au projet : « Je crois en la devise « se connaitre et coopérer » qui est également le titre de notre projet. Je suis convaincue que c’est seulement grâce à des rencontres personnelles, à l’échange et au discours que nous pouvons créer du changement et poser les jalons pour vivre ensemble en paix. »
     
  • Son lien avec l’Allemagne/la France : « Quand j’étais jeune, j’ai eu la chance de voyager en France et de découvrir ce pays grâce au traité de l’Elysée. Ces rencontres positives m’ont marquée jusqu’à aujourd’hui. Le Château d’Orion en Nouvelle Aquitaine a été créé sur la base de l’amitié franco-allemande et cela fera bientôt 20 ans que j’y vis et que j’y travaille pendant 6 mois par an. »

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N° 4 : Bilan

« Comme l'ensemble de la manifestation a dû se dérouler à huis clos pour des raisons de sécurité –  l'une des participantes allemandes est par exemple sous protection personnelle 24 heures sur 24 après avoir reçu des menaces de mort – le format vidéo a été finalement choisi pour communiquer sur l'événement a posteriori. Un film documentaire professionnel est donc actuellement en cours de réalisation et sera probablement diffusé début 2022 via divers canaux à portée variable (projections prévues au cinéma / contributions à des festivals, demande TV, réseaux sociaux).  

C'est ainsi que l'on peut le mieux illustrer les résultats de la première rencontre interreligieuse franco-allemande de huit représentantes engagées et libérales de la foi dans le Sud-Ouest de la France, réunissant les imames Eva Janadin (F) et Seran Ateş (A), la pasteure Jane Stranz (F) et la vicaire Lena Müller (A), les rabbins Iris Ferreira (F) et Ulrike Offenberg (A) ainsi que les militantes catholiques Paule Zellitch (F) et Lisa Kötter (A) qui s'expriment dans ce film.

Toutes les participantes vivaient pour la première fois ce type de rencontre. Outre le besoin de discuter de questions complexes, il est apparu clairement dès le début de la rencontre qu'une spiritualité approfondie et vécue en commun était souhaitée. Pour cette raison, des rituels ont été ajoutés afin de compléter de manière inspirante les discussions fructueuses.

Au cours de la manifestation, il est apparu clairement que toutes les participantes – qu'elles soient françaises ou allemandes – se sentent largement isolées dans leur démarche visant à contribuer à une coexistence pacifique au sein de leurs cercles d'action hétérogènes. De plus, elles doivent faire face à une hostilité constante, voire à des menaces, en raison de leur attitude libérale et réformiste. Ni en Allemagne ni en France, la voie n'est libre pour leurs messages.

Il a été d'autant plus réjouissant d'observer qu'une forte solidarité interreligieuse et transfrontalière s'est rapidement développée au sein du groupe. La question de savoir à quelle nation chacune appartenait s'est rapidement transformée, conformément à leur propre exigence de diversité, en un « Mélangez-vous ! »,.

L'objectif est désormais de poser des jalons communs et de lancer des projets coordonnés. Un groupe de communication actif sur les réseaux sociaux a déjà été créé à cet effet.

L'espace protégé du lieu de la manifestation et l'atmosphère ainsi créée nous ont permis d'atteindre une coopération optimale. Cela était nécessaire, compte tenu de la complexité des thèmes choisis et de la binationalité de l’évènement. Le sujet de la « coexistence pacifique » et la nécessité d'ouvrir la voie à une plus grande égalité entre les sexes sont restés dominants pendant la rencontre.

Le défi d'agir en deux langues s'est avéré résoluble. La traduction simultanée professionnelle de deux interprètes a très vite créé une atmosphère de familiarité, les protagonistes ont pu se comprendre immédiatement et échanger efficacement.

En tant qu'équipe d'organisation, nous avons sous-estimé le fait qu'après une rencontre d’une semaine aussi dense et approfondie, le travail ne fait que commencer. Malgré tous nos efforts, nous n'avons pas pu traiter l'ensemble des questions. Cependant, fidèles à la devise que nous avons définie ensemble : « Le changement, c’est nous ! », nous sommes persuadés que les souhaits donneront naissance à des plans, et les plans à des actions communes au-delà de l'espace protégé. Car une chose est sûre : seule la continuité permet d'obtenir un changement.

Ensemble, les participantes sont convaincues de participer à un nouveau récit. »

Lisa Kötter : « Nous avons tendu des fils de chaîne et nous allons y tisser une nouvelle histoire. Ainsi naîtra une étoffe qui habillera le monde d'une nouvelle manière ».

Jane Stranz: « Il nous reste de nouvelles pages à écrire, de nouvelles rencontres à imaginer. Surtout il nous faudra laisser se décoter en nous ce cadeau qui nous a été offert. »


Qu'est-ce qu'un projet phare ?

Les projets phares se distinguent par leur rayonnement, leur portée et leur pertinence et sélectionnés par un comité. Lors de l'évaluation, ils ont atteint au moins 90 points : un maximum de 10 points peut être attribué pour chacun des 11 critères.

Le Fonds citoyen soutient des initiatives transfrontalières en quatre catégories : de subventions de moins de 5 000 € jusqu’au financement des projets phares de plus de 50 000 €. Jusqu'à 80 % des frais peuvent être pris en charge, p. ex. pour le voyage, le séjour, l'organisation, du matériel, des formations ou des honoraires.

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